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 La fuite de l’Éden.

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Ililuv
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Ililuv


• Pseudonyme : Isklive - Badly
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MessageSujet: La fuite de l’Éden.    La fuite de l’Éden.  EmptyMar 10 Avr - 21:50

Ce topic est dédié à Kblac, dont j'aime la narratrice plus que tout.

    Lily's theme

    Le soleil perçait difficilement le vieux rideau de lichen tapissant l’entrée de la tanière, les marques du temps avaient fait leur œuvre sur la pierre usée et le sol maintes fois raclé. Pourtant, l’abri résistait encore après des siècles d’intempéries et de lutte. Mais qu’y avait-il encore à disputer à présent ? Plus rien.
    Le vent parvint à s’engouffrer sous le rideau fatigué, caressant la fourrure dorée d’une louve endormie. Mais si l’on y regardait de plus près, malgré la position sereine de la femelle, de nombreux poils blancs avaient envahi le contour de son museau, l’extrémité de ses pattes, son ventre et son poitrail. Le temps n’avait pas non plus épargné l’alpha, son pelage laissant deviner une certaine maigreur, entretenue par les famines, la saison des feuilles mortes et la solitude. Depuis un long moment, la guerrière ne comptait plus les années ; peut-être avait-elle quinze ans, peut-être plus, en fait ça n’avait que peu d’importance. Elle n’avait plus personne à qui raconter son expérience.
    Les rayons réchauffèrent une de ses joues, ce qui eut pour effet de lui faire ouvrir un œil ambré, l’iris épuisé par les années et la pupille morne. Il était encore tôt et d’après ses douloureuses articulations, l’air était humide, le brouillard n’avait pas encore dû se dissiper sur l’île. La louve redressa la tête, lâchant un bâillement las. Elle décida finalement de se lever, franchissant la barrière végétale d’un pas un peu lourd, qui nécessitait un léger temps d’adaptation après un si long sommeil. La vieille reine ne s’était pas trompée ; de la brume flottait encore au-dessus du sol, descendant des montagnes de roc et de pins, créant une atmosphère presque funéraire. Il y avait longtemps que plus aucun oiseau ni rapace n’attirait le regard de Badly vers le ciel. Ils étaient tous partis en quête d’une vie meilleure, à l’instar de ses compagnons.
    Paradise Wolf n’avait plus rien d’un paradis, il mourait, après avoir fait des temps immémoriaux et servi les Rois et Reines de l’ancien temps. Subsistaient encore, quelques formes de vie vétustes, Badly doutait encore qu’il y ait d’autres loups qu’elle sur cette terre désolée. Les plus jeunes et forts avaient quitté l’île, tous rêvant d’un eldorado sans avoir jamais connu l’âge d’or de Paradise Wolf ; au temps où il fut le désir de chaque loup, sujet de mythe et de récit, la terre promise.

    L’animal s’assit sur son séant, et admira les montagnes. Elle habitait dans la partie sud de l’île depuis des années et n’avait plus remis les pattes dans l’autre hémisphère. La louve jugea qu’il était à présent bon pour elle de revenir aux origines, tel l’éléphant sentant la mort venir. La simple raison pour laquelle elle n’y était plus allée, fut que cette contrée regorgeait de bien trop de souvenirs douloureux.
    Elle le sentait, aujourd’hui serait son dernier long voyage. Elle rejoindrait l’endroit qui l’avait vue naître, dans les terres oubliées des Outlaw’s, au-delà des sommets enneigés. Badly contempla un instant les herbes sèches et les arbres morts, rongés et pourris par les champignons, autour d’elle. Oui, il était temps qu’elle s’en aille, plus rien ne la retenait ici. Vivant en ermite recluse depuis déjà plusieurs mois, depuis la décadence de l’ère lupine, l’ex-alpha avait vu se disloquer son propre clan, disparaître les anciens et mourir les nouveau-nés. Il n’y avait plus rien à espérer, plus rien à faire germer. Tout était stérile.
    La bête se redressa et entreprit enfin de marcher, on dit souvent que c’est le premier pas qui compte dans un voyage, soit. La louve vit passer un minuscule écureuil rabougri sous son nez, son odeur ne suffisant même pas à l’appâter ; la faim était une chose qu’elle ne connaissait même plus tant elle s’y était accoutumée. Cet écureuil mourrait très prochainement comme toute sa race, inutile d’abréger ses souffrances. Les arbres se succédèrent, leurs branches épineuses laissant filtrer quelques rayons solaires sans chaleur. Ses pattes couturées de cicatrices foulaient le sol poussiéreux en silence ; d’après sa mémoire, cet endroit regorgeait jadis de biches et de cerfs frottant leurs ramures contre l’écorce des conifères. Badly s’arrêta un moment, truffe vers le sol, humant la terre poudreuse. Elle avait cru reconnaître l’odeur d’un de ses congénères, mais la trace était vieille et à peine reconnaissable. Aussi continua-t-elle son chemin, levant la tête et la queue comme tout alpha qui se respectait, même lorsqu’il n’y avait plus de membre auxquels s’imposer. Elle atteignit le pied de la montagne environ deux heures de marche plus tard, sans avoir croisé une seule forme de vie sur son chemin. Avant de poursuivre sa route, Badly tourna la tête pour admirer une dernière fois le paysage sudiste, comme un adieu, car elle savait qu’elle ne reviendrait pas. Résignée, la louve tourna ensuite les talons, quittant la brume pour commencer sa longue ascension vers les monts dont les flancs étaient tapissés de forêts froides et lugubres, ces mêmes forêts pleines de vie où louveteaux, tels qu’Ombre et Lily, et couples fougueux, comme Outbreak et Moonless, avait trouvé leur bonheur à travers les troncs protecteurs dans des jeux d’enfants ou d’amants.

    A la lumière d’hiver, Badly gravit le versant de la montagne, les vents glacials hurlant dans ses oreilles et refroidissant même ses sangs. Son labeur allait durer quelques heures, assez de temps pour méditer pleinement. Les pattes pleines de boue, celle-ci s’enfonçant dedans à chaque pas, l’effort que la vieille femelle devait fournir était immense pour son âge. Pas un seul instant elle ne gémit et n’émit une plainte, cet acharnement serait purificateur ; elle se sentait lavée de toutes souillures. Légèrement haletante, les oreilles rabattues sur son crâne, des souvenirs par flashs lui revinrent en tête. C’était ici, dans ces montagnes que Moon Song avait eu un terrible accident et que Badly l’avait abandonnée à Kblac, la dominante n’en était pas fière mais elle n’en gardait aucune honte, c’était bien trop loin pour qu’elle en culpabilise encore. Elle emprunta un raccourci pour éviter de devoir monter jusqu’en haut de la sierra, le soleil était à son zénith quand elle sortit enfin de la chaîne pour s’aventurer dans les falaises, ancien repaire de Moïsha et ses solitaires, abandonnées depuis longtemps même des rapaces. Ses griffes raclaient le sol craquelé, la louve sautant parfois aussi agilement que possible pour son âge par-dessus les crevasses. Parmi ce décor désolé, on ne distinguait que sa silhouette mouvante et les squelettes calcinés par le soleil de divers animaux, de l’herbivore désemparé au prédateur affamé. Lost avait péri dans ces précipices, l’ex-lieutenante des Outlaw’s qu’elle avait remplacée, on soupçonnait qu’elle se soit suicidée à cause d’un Prince dont elle était amoureuse à sens unique. Elle aussi était tombée, ce qui lui causa une cécité partielle et de profonds traumatismes psychologiques, Kblac l’avait soignée et veillée, un de leurs rares moments ensembles et sin intimes. Badly y pensa mais avec l’esprit vide, sans s’attarder un peu trop loin dans ces méditations ; il lui restait beaucoup de temps avant de s’y plonger. Bientôt, la route se fit plus en côte, descendant petit à petit vers les plaines et la mer. Des effluves marins chatouillèrent la truffe, signe qu’elle n’était plus très loin de la plage. Avec de très grandes précautions, la louve descendit les rochers, mettant beaucoup de minutes à chercher les passages les plus simples et nécessitant le moins d’efforts pour ses pauvres muscles. D’après ses souvenirs, les montagnes et les falaises étaient ce qu’il y avait de plus compliqué à passer, ensuite c’était tout plat. Il fallait qu’elle évite les marécages, elle n’avait plus l’âge pour se sortir des bourbiers infâmes et gluants.

    Elle fut heureuse de gagner l’océan, laissant tremper ses pattes salies dans l’eau salée, Moon Song avait tenté de mettre fin à ses jours ici, Kblac l’avait ensuite rattrapée et déclaré sa flamme, en vain songea Badly avec un certain cynisme. Elle avait attendu Kblac aussi un jour, pour qu’ils partent ensembles comme il le lui avait promis ; il ne l’avait pas attendu et n’était jamais venu. La dernière fois qu’elle l’avait vu, il lui en avait fait le serment. Mais combien de promesses le Prince des Outlaw’s avaient faites et n’avaient jamais tenues face à la louve ?

    Badly entrouvrit la gueule, inspirant pleinement l’odeur iodée de la mer, c’était sûrement le seul endroit dont la saveur n’avait pas changé ; les vagues appelant à la vie, à l’inconnu. Fixant l’horizon un instant, elle s’ébroua ensuite, remontant la lignée sablée jusqu’à reconnaître une série de rochers qui serait le point de départ pour rejoindre l’ancien camp des Outlaw’s. La femelle sortit du banc de sable, s’enfonçant dans un bois, le même bois où elle s’était battue contre Silent Fear pour la place de dominante de NTC. Silent Fear … Sa fidèle lieutenante, elle regrettait sa présence. Elle ignorait si elle était morte ou partie, Badly préférait garder espoir pour cette force de la nature, et qu’elle ait trouvé le bonheur ailleurs que sur cette île frappée d’agonie.

    L’alpha constata sans surprise que l’hémisphère nord était autant touché que le sud, ne trouvant pas plus de vie ici que là-bas. Les feuilles mortes craquaient de manière sinistre sous ses coussinets, elle laissa traîner son regard sur les troncs faméliques et dévorés, menaçant de chuter à tout instant. Badly lâcha un soupir, passant les Quatre Chênes –qui ne ressemblaient plus qu’à quatre cadavres nus- où les loupiots jouaient très souvent. La louve passa le lieu, remontant une pente en trottinant, la plaine verdoyante avait cédé sa place à un espace infécond, sans couleur, fade, comme sa vie. Badly avait à peine eu le temps de profiter du ciel découvert qu’elle retrouva un bosquet, ralentissant de plus en plus, son cœur se serrant en se rappelant ce qu’elle allait découvrir. La femelle débouche sur une clairière assombrie, située en contrebas.

    Le tombeau des Lucioles

    La nécropole de Paradise Wolf.
    Des centaines de tombes, sans vraiment d’alignements, se retrouvaient là. Là où tous les loups finissaient par se rejoindre, certains creusaient leurs propres tombes et se laissaient mourir à l’intérieur en attendant qu’une bonne âme les ensevelisse de terre pour eux. Sans surprise, Badly vit plusieurs trous ouverts. Furtif, Badly laissa son museau flairer le sol, avec respect. Sous ses pattes, reposaient le corps d’innombrables loups, légendaires ou moins connus. Shadow, Démons des Morts, Luna, Liana … les loups morts de la terrible grippe de Paradise Wolf, des générations et des générations auparavant. Mais il n’y avait pas qu’eux, Hagane, Kana, Claw’s, Black Touch, Inay, Impératrice de la Mort, tous ces dominants ayant fait rêver les plus jeunes loups. La martyre Blanche au fier Gladiateur … Tant de vies éteintes sous elle. L’ex-lieutenante chercha après le tombeau de Nasra, y posant un instant sa tête en signe de deuil. Elle chercha ensuite après l’odeur de Moon Song, sans en trouver une, et aussi Kblac sans trop d’espoir. Non, il n’y avait rien. Ses amis n’étaient pas là, elle se demanda si elle n’aurait pas préféré avoir une sépulture pour les pleurer.

    Badly espéra que ses congénères ne lui en voudraient pas de ne pas reboucher les orifices, mais elle n’en avait pas la force, et elle voulait en garder pour rejoindre l’extrême nord de l’île, plus très loin après ce cimetière. La femelle se fit violence pour partir, mais la douleur se fit plus forte au niveau de sa poitrine. C’était son cœur, un cœur aux abois, à l’agonie, malmené et détruit par des années de déceptions et de pertes. Badly grimpa la montée caillouteuse, dérapant à chaque pas, serrant les crocs. « Je quitte les Outlaw’s je ne veux plus être Prince, je n’obéirai plus aux ordres de mon père ni de ma mère ! » Un glapissement sortit de sa gorge, la louve fit un bond en avant et atteint enfin le sommet. Et pourtant, les voix continuaient de la poursuivre. « J’aime Moïsha. Je n’aimerai jamais aucune autre louve. » A bout, Badly se mit à courir, soulevant feuilles et aiguilles de pins sous ses foulées furieuses. Mais même sa course ne suffit pas à enfouir le tiraillement qui lui tailladait les entrailles. Et toujours ce même nom qui revenait. Brûlant. Comme gravé au fer rouge dans sa peau et la fragile toile des souvenirs.

    Kblac.

    Badly, essoufflée, tituba en débouchant enfin sur une vaste plaine que l’herbe avait également désertée. Le verger. Elle se souvint enfin, la première fois qu’elle avait joué avec Kblac, fraîchement nommée lieutenant de Today. Ils avaient été d’une telle complicité pour deux inconnus. Comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Son amour remontait depuis cette première rencontre. Mais elle se rendit vite compte qu’elle n’était pas la seule prétendante, Moon Song, Rescue, et bien sûr Moïsha donc le Prince tomba fol amoureux. Tellement qu’il en perdit tout esprit critique et quitta le clan, changeant à son tour. Badly pensa avec amertume qu’elle avait aussi quitté le clan pour lui, sans réfléchir, tout lui revenait en pleine face ; tout ce qu’elle avait fait pour lui, sans réciprocité, sans remerciements, sans considération. Elle pouvait bien parler de son esprit critique, le sien ne valait pas mieux. Et malgré tout, elle ne parvenait pas à lui en vouloir. C’était l’unique faiblesse de l’alpha, n’avoir jamais su garder rancune envers lui. Même quand il avait projeté d’en faire une pondeuse pour sa descendance, même quand il avait prononcé des mots blessants à son égard, même quand il n’eut jamais d’yeux pour une autre louve que Moïsha. Lorsque la belle dame blanche était dans les parages, le jeune et fougueux mâle oubliait tout ce qui l’entourait, y compris elle. Même lorsqu’il n’avait pas respecté sa promesse, avait disparu du jour au lendemain, l’avait abandonnée. Et pourtant, elle lui était restée fidèle toute sa vie durant, telle une sœur à jamais servante du Tout-Puissant. Oh bien sûr, il y avait eu Draeg et Breeze, mais qu’avaient-ils été comparés à sa passion viscérale pour le Prince ? Ils étaient de toute façon retournés à des songes très lointains avant que ses sentiments n’aient pu s’affirmer. Badly en avait déduit que le destin avait choisi qu’elle ne soit pas faite pour le bonheur partagé à deux. Sa vie entière, elle la dévoua à son clan et Paradise Wolf. Et son amour, elle le conserva pour le maigre souvenir de son ami disparu. Pas d’amant, pas d’enfant.

    Elle était l’épouse de l’île, de l’Eden. Peut-être était-ce pour ça qu’elle était encore là.
    Badly, la fidèle. La Vierge.

    Cet amour avait quasiment pris un aspect religieux tant il était ancré en elle comme la haine peut coller à la peau.
    Malgré tout son chagrin, elle ne haït pas Moïsha. Et s’il se passa de longues années durant lesquelles elle se compara à Moïsha ; la dame d’or conclut qu’elle n’avait en fait rien à envier à la dame blanche. Pas même l’amour qui lui avait donné Kblac. Non, elle n’avait rien à lui vouloir.

    Sous le soleil déclinant, sa fourrure étincelait et en dépit de son âge avancé, la louve n’avait rien perdu de sa prestance d’antan. Elle était encore chez elle, Paradise Wolf serait à jamais chez elle. Son berceau comme son tombeau. La femelle avait eu une vie extrêmement difficile, mais sa force de caractère dépassait tout entendement, elle avait choisi de vivre jusqu’au bout, elle avait choisi de lutter. Elle n’était peut-être pas Reine des Loups mais elle espérait au moins avoir gagné sa place au vrai Paradise Wolf, qui les attendait tous. La queue haute, l’alpha leva la tête et l’aperçut, le grand rocher, celui des Outlaw’s. Son cœur bondit, elle se hâte de franchir les derniers mètres qui l’en séparaient, mais elle stoppa ses pas en remarquant une petite forme blanche sous la poussière. Curieuse, la dominante frotta doucement la chose et découvrit une fleur. Sûrement l’unique de tout le territoire. Etait-on au Printemps ? Badly jurait pourtant que l’on était encore en Hiver. Mais à la vue de l’île, toute l’année ne serait qu’un long Hiver sans saveur. Soufflant dessus, elle la débarrassa de toute la terre l’encombrant, se remémorant le jour où elle avait elle-même offert des fleurs à Kblac, dans l’unique but de lui faire plaisir, après sa rupture avec Moïsha. « Désolé mais si tu crois que c’est des fleurs qui vont me redonner le sourire, tu te trompes … » Badly eut un sourire jaune. Je ne crois en rien, mon pauvre Kblac. Il y a bien longtemps de cela. Alors pourquoi des larmes brûlaient tes yeux ? Non. Elle secoua la tête pour chasser l’image floue du mâle de son esprit. Il était mort, comme les autres, elle doutait même parfois qu’il n’ait jamais existé autre part que dans ses songes.

    Il commençait à faire nuit.
    Badly avait passé plus de temps qu’elle n’en croyait à contempler la fleur, elle la délaissa, ne préférant pas le cueillir et peut-être laisser un espoir à la terre de Paradise Wolf. Il était temps qu’elle disparaisse avec l’ancienne ère.

    La tanière n’avait plus aucune odeur, il ne restait rien des litières, des carcasses de gibier ou autre choses appartenant au clan disparu. Elle en éprouva une lourde mélancolie, une tristesse inébranlable.
    Elle en fit le tour avant de se poster à l’entrée de celle-ci. Le soleil avait sombré, la Lune était déjà présente ainsi que quelques étoiles. La vieille louve ébouriffa son poil dans un frisson de froid et, déterminée, s’avança au bord du grand rocher pour faire entendre à l’île son dernier chant. Tête pointée vers le ciel, gueule entrouverte, ses hurlements se répercutèrent aux quatre coins de l’île, célébrant cette terre qui l’avait accueillie et élevée, ses ancêtres reposant sous elle, ses amis dont l’esprit y restaient attaché, et lui.

    Toi, amour perdu, si beau et si laid, intemporel, enraciné dans son cœur et celui de ce monde.
    Entends cette ode.

    C’est la fin. La fin de l’Éden.
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Kblac
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MessageSujet: Re: La fuite de l’Éden.    La fuite de l’Éden.  EmptyMer 11 Avr - 15:32

    C'est un hululement inquiétant qui libéra le mâle grisonnant de sa torpeur. C'était pourtant le même qu'à l'habitude ; cela faisait des mois que ce maudit oiseau se perchait là, chaque soir, appelant ses congénères qui ne viendraient jamais le rejoindre ; car cet oiseau était certainement l'un des derniers à se balader dans les parages. Quoi qu'il y avait certainement beaucoup plus de volatiles présents a des kilomètres à la ronde qu'il n'y avait de loups. Cette pensée plongea le vieil ermite dans un état épouvantable. Plusieurs minutes, il resta là, lasse, sans bouger ; seulement méditer. L'on pouvais dire que les terres de Paradise Wolf n'étaient plus ce qu'elles avaient pu être... elles semblaient être plongées dans une obscurité continuelle. Ou peut être était-ce les yeux du mâle d'argent qui s'étaient assombris. Ou peut être était-ce parce qu'il n'avait plus ouvert les yeux depuis lors...

    Kblac était né pour être un soldat. Il était né pour combattre, et servir sa meute. Aujourd'hui, il n'avait plus rien à combattre, plus rien à protéger ; pas même ses amours passés. Il n'était plus rien. Mais il n'était pas né pour n'être rien. Alors, Kblac ne savait plus quoi faire de son existence. Sa vie était devenue un objet encombrant dont il ne savait plus quoi faire. Alors, il avait fait ce que chacun fait pour se débarrasser d'un vieil objet qui n'est plus utile à rien ni à personne ; il l'a rangé, dans un endroit sombre, à l'abri des regards, pour l'oublier ; pour s'oublier. Clairement, le mâle avait toujours tout raté dans sa vie. Il avait choisis son destin, il avait eu le choix, ce que peu de loups avaient pu obtenir ; le choix de vouer sa vie à sa meute, aux siens, quitte à vivre par procuration. Today, Sweet Ebony, ses parents, lui avaient toujours laissé le choix ; délibérément, il avait rejeté le bonheur. Délibérément, il avait laissé ses sentiments gambader d'une louve à une autre ; délibérément, il avait tout foutu en l'air. Malgré tout, Kblac avait toujours été quelqu'un de fidèle. Fidèle envers sa meute. Fidèle envers la mère de ses enfants. Ses enfants... Halaskan, Mephistos, Adriaka...

    Non. La vérité, c'est que Kblac n'avait jamais été fidèle a qui ni a quoi que ce soit. Il avait quitté sa meute pour devenir un vagabond. Il avait cessé de chercher Moïsha, qui avait fuit avec ses propres enfants. La vérité, c'est que Kblac ne savait même pas si sa progéniture était toujours en vie, et qu'il s'en fichait éperdument. Il avait perdu son âme depuis bien des lunes pour s'en soucier...

    Je pourrais m'enticher d'une charmante louve, avoir quelques louveteaux. Nous partirions loin d'ici. Mes petits grandiront, grâce à ma présence protectrice. Moi,un jour, je serais mort de vieillesse. Mes enfants se rappelleront de moi, ainsi que leurs enfants a eux. Mais lorsque les enfants de mes enfants seront morts, je serais alors a jamais oublié...


    Le loup avait toujours été terrifié par l'oublie. Être oublié, c'est terrible, plus personne ne pense à nous, et nous n'avons alors jamais existé. Notre venue au monde, autrefois célébrée aux quatre coins des terres, n'a plus d'importance, puisque nous sommes morts. kblac avait été oublié avant même de mourir. Et ça signifiait qu'il avait raté sa vie du début à la fin. Le prince déchu n'était pas mort, non. Mais il était oublié, et c'était une situation encore bien pire que le décès...

    Attendez. Chut. Plus un bruit. Il n'y a plus de bruit... enfin, si. Cet hurlement, au loin... Était-ce le vent ? Était-ce son imagination ? Impossible... C'était un hurlement. Fragile mais déterminé. Non loin d'ici ! Le mâle d'argent venait d'entendre cette voix dans sa tête, il eut alors un mal de crâne terrible. Était-ce la fatigue, la surprise, l'accumulation de tout ces évènements si soudains ? Ses muscles endoloris se dressèrent sans plus attendre. Il avait du mal à se déplacer, il penchait d'un côté, peut être allait-il s'effondrer, mais il n'en avait que faire. Il devait suivre cet hurlement. Kblac connaissait chaque loup peuplant cette île. Il voulait revoir un vieil ami pour mourir à ses côtés. Si son souvenir pouvait de nouveau vivre dans les yeux de quelqu'un, alors, il ne serait peut être pas mort en vain.

    Désormais, c'était une ombre terrifiante qui se déplaçait dans la forêt. Une flamme se déplaçait en même temps qu'elle, cette flamme éclairait deux yeux insistants. Malgré son âge, le vieux loup n'en restait pas moins un prince. Il se déplaçait avec une grâce sans égal. Les muscles engourdis, Kblac ne connaissait qu'un seul moyen pour se réchauffer: bondir. Il avançait donc, dans un silence impeccable, se faufilant au travers des ronces, écartant dans des bruissements imperceptibles des buissons épineux. Son regard d'ambre, regard froid et distant, détaillait les alentours avec une attention certaine. Jusqu'à ce qu'une silhouette foncée entre dans son champ de vision. Un rocher, tel un promontoire était posté devant lui, comme pour l°empêcher de poursuivre son chemin. Il plissa son regard tout en s'approchant de lui, prudent, comme si il le considérait déjà comme un ennemi à annihiler. Il bondit jusqu°à son sommet ; il l°avait vaincu. Ce rocher resterait probablement la dernière victoire de sa pauvre vie.

    Il fallut plusieurs secondes au loup pour qu'il aperçoive cette silhouette, dans son regard embrumé. Une silhouette brune, près de lui, près du rocher. Il eut le réflexe de gronder, à moitié aveugle, il ne reconnaissait aucune odeur familière. Et puis, ce rocher était désormais le sien, puisqu'il venait de le gagner dans un combat loyal. Mais... cette lueur. Cette lueur, dans ces yeux là. Cette couleur. Kblac huma l'air, insistant. Si, il y avait une odeur... une légère, très légère odeur qu'il connaissait bien... Badly... se trompait-il ? Ca n'était pas... elle était partie, elle aussi, elle ne pouvait être là... Kblac jurait avoir déjà déposé des fleurs sur sa tombe, dans la nécropole. A moins qu'il ne sache plus faire la différence entre la réalité, et ce qu'il pense s'être réellement passé... Le prince n'avait plus tout à fait toute sa tête, depuis quelques années...

    Je suis... au paradis... ?


    Peut être était-il mort. Ou, peut être pas encore...

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Ililuv
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MessageSujet: Re: La fuite de l’Éden.    La fuite de l’Éden.  EmptyVen 13 Avr - 19:06

    La femelle était vieille mais pas encore assez sourde pour manquer le bruissement de la terre remuée par des pattes puissantes. Cessant son chant funèbre, la louve rabaissa la tête ; ses oreilles se dressant en revanche haut sur son crâne.
    Si tout son être s’était, pendant un instant, tétanisé ; Badly se rassit, le dos droit et sans faiblesse, elle enroula sa queue autour de ses pattes avant balafrées. La pleine Lune donnait un éclat argenté à la fourrure de l’intrus soudainement apparu sous son museau, la sienne scintillait doucement sous les pâles lueurs opalines. Si elle avait cru, aussi, rêver durant quelques secondes, il n’était plus question de chimères à présent. Elle n’avait besoin d’aucune voix pour le reconnaître, elle laissa le parfum si familier du mâle envahir ses narines, chargé de mélancolie et d’agonie. Le loup avait vieilli, mais il demeurait empreint de ce charme princier, qui aurait pu séduire bien de jeunes louves sans expériences. Badly devinait une légère cécité et une arthrose dans l’ensemble des articulations de ce corps musclé.

    Le temps n’épargnait pas les Princes, ni même les Alphas, aussi louables soient-ils.
    Badly aurait pu lui bondir dessus, elle aurait pu pleurer et geindre son amour dans le creux de son poitrail, lui gémir des excuses qu’elle n’avait pas à faire, le supplier de l’aimer au moins pour le dernier jour de leur existence.

    Mais Badly restait d’un silence écrasant. Distante, elle n’avait même pas esquissé un pas ; seuls ses yeux jaunes exprimaient une douce neutralité. La louve n’était plus celle qui rampait aux pieds de ce loup dont elle était folle amoureuse. Et si elle l’aimait toujours, sa position ne changea pas, elle restait fidèle à elle-même : la digne position d’un leader. Loin de la Badly d’il y a dix ans, pitoyable prédateur rampant aux pattes du mâle. Cette image dégoûtait hautement la femelle, d’autant plus qu’elle se remémorait à quel point Kblac n’en avait rien à faire, au sens le plus large du terme, et la voyait même comme une folle hystérique par moment. Pour le dernier jour de leur existence commune, Badly avait le dessus psychique face au loup affaibli, pour la première et dernière fois de sa vie, les positions avaient changé. La louve se satisfaisait simplement de cette pensée, fière d’elle-même, sans aucune pensée de profit. Elle n’éprouvait aucun dégoût ou pitié pour Kblac, simplement de la compassion et une joie brûlante aux creux des reins contenue avec aise. Elle remportait une victoire personnelle, celle d’être passée au –dessus de son propre être. Badly avait gagné, elle pouvait mourir en paix.

    Une foule de questions traversaient son esprit, elle ferma même les yeux pendant quelques secondes, laissant Kblac reprendre le peu d’esprit qui lui restait alors que l’air se rafraîchissait et que les étoiles se firent de plus en plus lumineuses. Puis, elle braqua son regard brillant sur Kblac ; où était Moïsha ? Dis-moi, Kblac, t’es-tu repenti ? Est-ce que tu souffres ? Dans tes yeux, on ne lit que l’amertume et le goût âtre que t’a laissés la vie pour ta propre existence. On pourrait croire, à s’y méprendre, que tu voues une aversion particulière pour tout ce qui t’entoure, alors qu’elle est seulement dirigée contre toi-même. Les années ont rongé la coque protectrice de ton insouciante jeunesse. Mais la vérité, Kblac, c’est que tu as fait de toi ce que tu es. Tu as fait tes propres choix, et tes propres erreurs, tu as reçu la juste punition que tu méritais, infligée par ta propre personne. Rassure-toi, il n’y a pas de purgatoire là où nous allons.

    Badly esquissa un sourire intérieur, son faciès lupin ne laissant en revanche rien trahir de son impassibilité. Pourtant, elle savait qu’elle se devait de dire quelque chose. Après tant d’années de séparation, après tant de temps d’absence, tant de souvenirs, de refoulements, de démons et de remords, il y avait tellement de choses à dires. Mais il n’y avait aucun commencement ni de fin pour cette histoire, comme un livre auquel on aurait arraché le prologue et l’épilogue. La louve ne savait que dire, Kblac n’était sûrement pas en état d’encaisser toutes les fautes qui lui étaient reprochées, et puis ; était-ce vraiment le moment ? Badly se doutait que le Prince avait eu le temps de toutes les passer en revue, et se torturer dans sa solitude. Choisis tes derniers mots, nous avons toute la nuit devant nous, jusqu’à l’aube.
    Aussi, la vieille louve décida enfin d’ouvrir la bouche, le ton serein et empli d’un grand calme, soufflant cette phrase dans un demi-soupir :

    « Tu es en retard, Kblac. »

    Tu l’as toujours été. Une phrase sans doute hasardeuse mais au fond gorgée de sens. Oui, le mâle était en retard. Badly l’avait toujours attendu, en vain, et il ne se décidait à apparaître que maintenant. Une maxime dit « mieux vaut tard que jamais », elle n’avait pas sa place mieux que dans cette situation précise. Autour d’eux, le silence n’avait jamais été autant perceptible que maintenant. Ils étaient seuls au monde, sans même le hululement rassurant d’une chouette, le chant des grillons, le bruissement de l’herbe remuée par mille et une bêtes ou simplement la caresse du vent. Et pourtant, en dépit de la mort de l’île et de sa désertion complète, Badly ne s’était jamais sentie moins seule que ce soir-là. Elle eut une pensée pour Moon Song et d’autres de ses amis, espérant qu’ils soient heureux en dépit de l’endroit où ils se trouvaient. Jadis, elle aurait été complètement obnubilée par Kblac, ce qui accentua davantage la satiété qu’elle ressentait, frissonnant légèrement sous la brise glacée qui secoua sa fourrure dorée. Toute son attention était concentrée sur le vieux loup, attendant qu’il réalise, qu’il la reconnaisse, qu’il se souvienne, qu’il réponde enfin. Même une décennie n’avait pas suffi à lui faire oublier le timbre de la voix du Prince.
    Secrètement, son cœur battait à la chamade, mais elle n’aspirait à aucun désir sinon celui de paix.

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