The flesh make me bad †

PV - Kayleigh

La neige se tassait sous ses pas, océan de coton humide et duveteux fauchait sans répit par le trot cadencé du prédateur. Se mouvant avec une souplesse et une aisance à couper le souffle en dépit de sa taille démesurée, le mâle longeait les abords miroitants d’une berge saupoudrée de galets. La moindre de ces petites pierres aplaties et galbées étincelaient de givre, crissant dans un soupir discret sous ses griffes. Bien qu’à peine perceptible, ce bruissement infime demeurait la seule perturbation troublante du silence qui avait jeté son voile sur les montagnes Occhi. Même les remous furieux de la rivière étaient assourdis par le carcan de glace qui la maintenait recluse dans sa prison dorée, gardienne de ses débordements. Un ciel nu et délavé surplombait la scène de ses vastes horizons d’inconnu, aussi incommensurables qu’intemporels.

Notre protagoniste était cependant à mille et une lieux de ces questions existentielles.

A en juger par la royale nonchalance dont il faisait preuve, Shaytan ne semblait pas être en quête de gibier, quoique le terrain si prêta à merveille. Sa gueule vaguement entrouverte exhalait des cumulus de vapeur sans consistance, et sa queue épaisse battait la mesure de sa marche au rythme d’un tempo lent et régulier. L’acuité visuelle acérée dont la nature l’avait dotée s’était inexplicablement détériorée, au profit de l’élévation d’autres sens plus débridés que jamais. De ce fait, il ne se bornait même pas à jeter un coup d’œil au paysage environnant, ses yeux ne se réduisant plus qu’à deux fentes chocolatées.
Brisant avec une agilité déconcertante ce flegme trompeur, Shaytan eut tôt fait d’avaler plusieurs mètres de pente douce en quelques bonds félins pour se percher avec adresse sur un solide amas de rocs. Les pierres aussi grosses que des blocs de granit s’amoncelaient dans une totale anarchie, ouvrant brèches et fissures de part et d’autre de ce gigantesque agglomérat. Le mâle se glissa dans une fente éméchée pour ressortir par une énième trouée, se juchant au sommet de l’édifice.